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Date de création : 03.02.2012
Dernière mise à jour : 05.07.2014
63 articles


La mort du romantisme... Saison 2... Acte 1... Scène 13...

Bouh... La mort du romantisme... Saison 2

...  Acte 1: Une route pavée de bonnes intentions...

... Scène 13: A quelques mensonges de la vérité...

 

 

L'heure était grave. Une nouvelle fois, la tradition s'était vue respectée: Dépressix venait de "dormir sur la quille".

Le déroulement de la soirée appartenait désormais à la routine: caresses au dessus du tissu, érection toute la nuit sans jamais dégorger Popole, et l'apothéose classique: une journée de merde au boulot, où rien ne devait transparaître de son humeur exécrable. Dépressix ne devait rien laisser filtrer, ni aux yeux des clientes, ni à ceux de ses collègues. Et ce n'était pas chose aisée, chacun de ses pas lui rappelant son entrejambe brûlant, pesant et douloureusement lourd.

Le point de rupture était proche, trop proche. Pour son couple, mais encore plus pour lui-même: il ne se reconnaissait plus.

Les nuits qu'ils passaient tous les deux le mettaient systématiquement hors de lui. Agressif, incisif et désagréable au saut du lit, il fonçait sous la douche sans montrer la moindre considération pour la blonde qui partageait sa couche. S'il ouvrait son magasin alors que la demoiselle prenait son service à 13h, il ne s'embarrassait d'aucune précaution pour ne pas la réveiller. Il était encore chez lui, et le faisait sentir du mieux qu'il pouvait à l'envahisseur.

Quand il se réveillait seul, le simple fait de consulter l'heure sur son portable suffisait à lui faire bouillir les tempes de méchanceté. Car Sandrine, de son côté, continuait d'entretenir un semblant de couple, envoyant chaque matin un message pour lui souhaiter une bonne journée. Chaque fois, ce geste tendre et attentionné n'inspirait à son compagnon que des réactions et des commentaires cyniques et violents. Evidemment, les réponses qu'il renvoyait dégoulinaient d'hypocrisie et de sentiments factices, en totale opposition avec ses pensées.

 

"- C'est ça, "bonne journée..." Mais je n'en ai rien à foutre de ta journée. Puisse t-elle être longue et harassante. Comme ça, tu ne t'incrusteras pas ce soir, et je pourrais faire ce que je veux. Je pourrais jouer de la gratte peinard, mater des vidéos crados sur internet... Ou mieux: je pourrais lire une BD sans me faire emmerder!!! Je n'aurais pas à déployer quantité d'efforts pour discuter et briser ces putains de silence... Allez, c'est pas le tout, mais j'envoie cette merde et... NON!!! NON!!! Ouf, j'ai failli oublier. Un peu plus et elle m'aurait encore casser les couilles. Dépressix, tu n'es qu'un abruti. Tu sais bien qu'il te faut toujours terminer un message par: "Passe bonne journée en tout cas, et je t'embrasse très très fort. Je vraiment hâte de te voir... Bisous... A ce soir"..."

 

Puis il jetait systématiquement son portable sur son lit, et partait en pestant dans la salle de bain. Là, agrippé à l'évier, il fixait le miroir. Alors, plongé dans son propre regard, il laissait grandir la boule dans son ventre: un boulet de haine pure dirigée vers lui-même. Parfois Il se détestait à en avoir les larmes aux yeux.

 

"- Tu n'es vraiment rien de plus qu'un sale connard. Tu te gâches la vie. Putain, tu bosses dans le prêt-à-porter!!! Il n'y a que des gonzesses! Partout, à chaque instant!!! Certes il y a des thons, mais tu vois quand même passer plein de petits culs. Attends, si tu t'achetais des couilles, tu pourrais te faire traire des hecto-litres!!! Mais non, toi tu t'emmerdes avec un vulgaire bout de poisson surgelé, que tu ne supportes pas. Mais bouge, bordel. Donne toi cette putain de chance. Largue ton sac, bordel!!!

 

Mais fidèle à lui même, dès qu'il trouvait de la merde, il s'acharnait à la creuser. Son couple avait trépassé depuis longtemps, pourtant il ne trouvait pas le courage d'y mettre un terme ferme et officiel.

 

"- Bon, bordel. Pourquoi tu t'obstines à perdre ton temps? Tu connais déjà la finalité de la chose. Autant pour elle, que pour toi, que pour vous deux. Ce n'est pas le fait d'arriver "à conclure " et à la sauter qui fera naître la passion. Etre avec elle ne t'apporte rien, tu perds purement et simplement ton temps. En plus de ça, tu te fermes à toutes les autres occasions. Et t'es loin de lui être utile. Tu ne l'aides pas, tu sais parfaitement qu'elle campe sur ses positions, qu'elle se conforte dans ses blocages. Elle n'évolue pas, et ne fais aucun travail sur elle-même."

Ressassant inlassablement ce raisonnement depuis des jours, il en connaissait déjà la prochaine étape. Après avoir épousé le point de vue de la demoiselle, il allait maintenant se regarder le nombril. Mais encore une fois, il aboutirait à la même conclusion.

"- Mais putain, tu sais parfaitement que tu n'as aucune envie de te dépasser pour elle, elle n'est pas un élément moteur à ta vie. Depuis que t'es avec elle, tu déprimes toujours un jour sur deux. La seule chose qu'elle ait réussi à faire, c'est à te démotiver de te masturber. Tu vas finir comme elle, asexué avec des toiles d'araignées sous les couilles..."

 

Il retournait l'équation dans tous les sens, le résultat n'en changeait pas pour autant: "Sandrine + Dépressix = une vie de misère et d'ennui". Il n'y avait qu'une seule solution sensée, et le seul fait d'y penser faisait fondre son moral fondre aussi rapidement que le nombre de cigarettes dans son paquet.

Comme toujours pendant ses phases de questionnement interne, il cherchait le salut à l'extérieur. Tout était bon pour faire cesser ces interrogations. Le sport n'y ayant pas réussit, il tenta par les autres moyens: musique, cinéma, lecture...

S'efforçant de trouver la chanson qui entrerait en résonance avec son humeur, il fit défiler sa bibliothèque MP3. Instinctivement, il s'orienta vers "ses classiques", les groupes d'industriel, salutaires et efficaces en toutes occasions.

La rage se déversait des enceintes, l'enveloppant dans un violence sonore salvatrice. Pourtant ni le Trent Reznor vomissant de Broken, ni la brutalité hautement sexuelle de Rammstein ne parvinrent à le vider de sa colère et de ses réflexions. Son esprit tournait sur lui-même, répétant les mêmes phrases à l'infini.

 

"- Dépressix, cesse de faire l'enfant, et sois un grand garçon!!! Tu t'es bien battu, tu as lutter comme un valeureux guerrier. Mais maintenant que tu es rendu à l'évidence, accepte la: vous savez l'un comme l'autre que JAMAIS tu ne feras trempette dans l'eau de son vagin. En plus, regarde ta gueule dans un miroir: tu ressembles à rien. T'as l'air crevé, naze, avec des valises sous les yeux... T'as beau faire du sport, tu passes des kilomètres à ressasser que tu ne la supportes plus. Tu n'essaies pas de t'entretenir pour lui plaire, tu t'efforces juste de te fatiguer au maximum, histoire d’être trop amorphe pour réagir à chaque fois qu'elle ouvre sa grande bouche pour dire une connerie. Putain, si c'était la bonne, la simple perspective de son joli petit cul serait une source d'énergie intarissable. Au lieu de ça, t'essaie d'en avoir le moins possible. Ni elle ni toi n'êtes épanouis dans cette relation. Alors prends tes responsabilités, et lourde-la."

 

Il continua à changer de musique, cherchant celle qui le transporterait. Mais chaque fois, il ne dépassait jamais le premier refrain. De Palmas, Cabrel, Eicher... Aucun ne réussit à saisir ses tripes et à les remettre dans le bon sens. Rien ne l'empêchait de cogiter.

 

- Merde, grogna t-il. Quand ça ne veux pas...

 

Fermant les yeux et rejetant la tête en arrière, il s'alluma une clope et prit la liste des artistes par la fin, à la lettre Z. Son portable sonna au moment même où il lançait un album au hasard.

 

- Comment ça va!!! demande un Glenn au mieux de sa forme.

- A ton avis? Ai-je réellement besoin de t'en parler?! En même temps je suis content que tu m'appelles, comme ça tu vas pouvoir me mettre au parfum des derniers potins concernant ma vie de couple. Tu sais, ceux qui relatent mes folles nuits torrides, quand Sandrine leur raconte qu'entre nous, tout va bien.

- Bon, vu ta réaction, j'en déduits que ça ne va pas mieux. Toujours pas de dialogues? Mais vous arrivez quand même à avoir des échanges?

- Je vais être franc avec toi, soupira Dépressix. Je crois que là, je suis arrivé à bout. J'ai arrêté d'essayer, j'en ai plein le cul de me battre. On passe du temps ensemble, mais il n'y a rien. J'ai l'impression d'être en compagnie, même pas d'une amie, ni même d'une copine, mais d'une connaissance. Connaissance envahissante et chronophage.

- Comment ça?, intervint son ami qui sentait dans la voix de Dépressix un réel besoin d'évacuer.

- Tu veux un exemple?, demanda Dépressix, avant d'enchaîner sans même attendre de réponse. Jeudi dernier!!! Comme d'hab, je ne bossais pas le vendredi. Donc forcément, elle appelle en sortant de l'hôpital, et débarque ici. Laisse moi te dire que la soirée fut du tonnerre!!! J'étais crevé, la journée avait encore atteint des sommets de pourriture, et je n'avais absolument aucune envie qu'on m'emmerde. Et la voilà qui se pointe, puis qui se vautre comme une baleine dans le canapé. Bref, la routine, quoi... Personnellement, j'avais prévu de me poser devant un film d'horreur, et c'est exactement ce que j'ai fait.

- Et alors, où est le problème?

- Et bien c'est juste qu'au milieu du film, cette conne me regarde en me disant: "tu te rends compte que depuis que je suis arrivée, tu ne m'as embrassée qu'une seule fois, quand j'ai passé la porte". Forcément, (il baissa la voix, puis reprit lentement , en appuyant un peu plus chaque syllabe), je crevais d'envie de lui répondre: "oui, et bien je m'en cartonne royalement. J'aimerai bien mater la fin de mon film tranquille et comme au cinéma. C'est à dire en silence!!!".

- Putain, tu ne lui as pas dit ça, quand même?, s'étonna Glenn.

- Bien sur que non. Tu sais bien que je suis une petite bite... Mais j'ai quand même bien senti la pulsion monter du fin fond de mon estomac.

 

Dépressix se leva alors pour gagner sa petite cuisine. S'adossant sur l'évier, il coinça le téléphone entre son épaule et son oreille, puis ouvrit le frigo. Une nouvelle fois, le reflet de sa vie le frappa: à part une bouteille de cidre et trois canettes de coca Zéro, le vide absolu remplissait l'intérieur.

Il sortit la bouteille, puis un verre. Et Au moment où il la débouchait, il réalisa. Bien que ce ne soit que du cidre, il brisait néanmoins une promesse qu'il s'était faite: ne jamais boire seul. Décidément, Sandrine illuminait sa vie, cela ne faisait aucun doute.

 

- T'as fait quoi, alors? demanda Glenn, désirant la fin de l'histoire. Tu lui as répondu quoi?

- Rien, évidemment. Je l'ai embrassée, histoire qu'elle la mette en veilleuse! Donc voilà pourquoi je te dis que je n'arrive vraiment plus à faire semblant. Et bon, rajoute en plus mon boulot de merde, et tu comprendras que je ne supporte plus rien... Il faut que je craque et que je fasse de la merde!!! Ce qui m'amène au point suivant. On a une adjointe en formation, et crois-moi sur parole, j'ai sauté sur l'occasion!!!

- Quoi?, hurla Glenn. Tu t'es tapé une autre nana? Mais t'as pété un câble!!!

- Mais non, tête de buse!!! Une fille en formation signifie: un semblant de budget horaire en plus. J'en ai juste profité pour enfin poser un jour de récup... Mais maintenant que t'en parles, ce qui m'inquiète, c'est que je n'ai même pas songé à me la faire!!! Je ne me suis même pas projeté au chaud dans son petit cul!!! Même pas une petite seconde... AAAHHH!!!! Je crois que Sandrine déborde sur moi! Elle aspire ma libido, à défaut de mon sperme!!!

- T'es vraiment un gros con!!! Enfin bon, c'est cool ça!!! Quand est-ce que tu ne bosses pas?

- Hier, en fait!!!

- Tu ne bossais pas?!, s'exclama Glenn. Bah, c'est quoi ce bordel!!! Sandrine...

- ... est venue prendre un café chez toi, et vous a dit que je fermais le magasin? Je sais, je suis au courant. Et justement, voilà où je voulais en venir: je lui ai menti. Je lui ai dit que je bossais, alors que j'étais chez moi. Et je l'ai fait dans un but précis: ne pas la voir et rester peinard dans mon coin.

- Ok, je vois, répondit Glenn. Effectivement, là, je crois que c'est assez parlant...

 

Glenn laissa sa phrase en suspend, mais Dépressix ne reprit pas la parole. Il attendait, les yeux dans le vague et la culpabilité sur les épaules.

Que ce soit le fait de confesser à haute voix son mensonge, ou encore de décrire à son ami la distance qu'il laissait grandir dans son couple, ces deux choses ne servaient en réalité qu'un seul et même but: ne pas rester seul avec sa lâcheté et s'obliger à agir. Depuis toujours, il excellait dans la procrastination, se spécialisant même dans l'art de laisser les choses vivre d'elle-même jusqu'à leur pourrissement. Et encore une fois, plutôt de prendre son destin en main et de dire "stop", il laissait couler jusqu'à saturation. Mais cette technique reposait sur un principe simple: être le seul au courant et se voiler impunément la face. Mais à partir du moment où son entourage savait, il ne pourrait plus se dédouaner et éviter "les sujets qui fâchent".

Glenn reprit alors:

 

- Enfin, si c'est comme ça... C'est un peu dommage quand même, elle n'est pas méchante comme fille. Et elle finira par se décoincer. Et puis, si je puis mue permettre, tout le monde le dit: vous allez super bien ensemble.

- Alors, comment te dire?, commença Dépressix. Je ne reviendrai pas sur le fait que la vision et la perception que les gens peuvent avoir de cette personne sont, l'une comme l'autre, tronquées, faussées et tout ce que tu voudras. Dans l'intimité, c'est une autre personne!!! Deuxième chose, qui est la plus importante, je pense: tu te souviens du premier Rocky? Tu sais, celui qui a lancé la carrière de Stallone, et pour lequel il a pété l'oscar du meilleur scénario? Et bien quand Rocky en prend la gueule et qu'Appollo lui ruine la tronche, il tient pourtant le coup et se surpasse.

- Quoi? Mais qu'est ce que tu racontes?

- Et bien Rocky se transcende pour une seule et unique raison: son amour pour Adrienne!!! Il se dépasse et s'arrache sur le ring uniquement pour elle. C'est encore en pensant à elle qu'il va suer sang et eau sur le trottoir!!! Bref, chaque fois qu'il a mal et qu'il est sur le point de craquer, le visage d'Adrienne lui apparaît, et lui confère une force de Titan. Parce qu'il veut briller dans ses yeux! Parce que "l'oeil du tigre", il le puise sur le visage de sa dulcinée". Et tout ça parce que c'est la bonne!!! Elle lui donne la volonté de déplacer des montagnes. S'il réussit, ce n'est ni pour lui, ni pour la gloire, ni pour le fric. Non, c'est juste pour elle, pour la femme qu'il aime. Parce qu'elle synthétise la seule chose qu'il veuille vraiment.  En fait, Rocky c'est un Dysney qui sent un peu plus la sueur!!!

- T'es vraiment un abruti!, ricana Glenn. Mais néanmoins, t'as raison.

- Je sais que j'ai raison!!! Maintenant, mon problème, c'est que le visage de Sandrine ne m'apparaît, et ne m'aide à me dépasser, que quand je suis sur mes chiottes!!! Mais alors, je te jure que j'en ai mal tellement je pousse!!!

- Ca me fait marrer, mais t'es vraiment un salopard de première! C'est ultra-méchant!!!

- Je sais, et je peux même te dire d'où ça vient, enchaîna t-il en allumant une cigarette. C'est entièrement de ma faute: je reporte sur elle ce que j'éprouve pour moi. Je n'ai pas les couilles d'assumer et de la quitter proprement, et alors j'enrage. Et ça s'ajoute à l'accumulation et à la frustration, aux efforts inutiles et également au fait que je n'arrive pas à la faire réagir. Parce que je reste persuadé qu'elle doit forcément sentir la distance entre nous. Il n' y a plus rien. On est pas sorti tous les deux, en couple, depuis plus d'un mois. On ne fait plus rien, on échange plus rien. Bref, Sandrine n'est pas mon Adrienne. CQFD.

- Bon, sur ces bonnes paroles, je pense que tu sais ce qui te reste à faire. Mais laisse lui peut être une dernière chance. Parce que sinon, on sait tous les deux que tu vas te remettre à picoler et à vouloir harponner tout ce qui sera malsain et déglinguée.

- Excuse moi de te le dire, mais la demoiselle en question est quand même loin d'être 100% équilibrée! Elle a quand deux personnalités! Et en plus, elle, on ne peut même pas la fourrer!!! Tu m'as quand même refourgué un sacré lot, mon coco!

- Ouais, je sais, je suis désolé. J'aurais jamais cru ça. Enfin, bon, il faut que je te laisse... Tchao petit pénis...

 

Il tendit les jambes et fit pivoter son siège. Une fois encore, l'état de son appartement avait suivi celui de son couple, et de sa vie.

Quelques mois auparavant, lorsque Sandrine signifiait "une histoire prometteuse", il avait tout nettoyer, remplissant le conteneur de recyclage avec quantité de paquets de Marlboro vide et de vieilles canettes. Puis il avait fait le ménage de fond en comble, vitres et dessus de bibliothèque compris.

Mais aujourd'hui, il pouvait dessiner un motif dans la poussière blanche qui maculait son lecteur DVD. Certes, l'appartement avait l'air présentable, ou du moins habitable, mais quiconque plongeait un peu le nez aurait découvert les moutons sous le lit.

Son portable le sortit de sa prise de recul. "Et bien, c'est la totale aujourd'hui" pensa t-il en lisant l'identifiant: sa cousine. Elle lui répondait enfin.

Il se remémora son propre sms, envoyé quelques jours plus tôt.

 

"J'en ai marre. Je me demande ce qui est le plus moche, entre la situation de mon couple et ma bistouquette! Tu me diras, les deux sont liés. Mais à chaque fois que ma copine se retrouve en présence de mon pénis, elle le fuit comme la peste. Elle ne lui fait pas la bise, et ne lui sert même pas la main."

 

Puis il lut la réponse.

 

" C'est bien connu, d'abord on goûte, après on touche :)) Sinon, tu t'es peut être trompé de maladie. Elle est aide-soignante, non? Ton kiki ressemble peut être à celui d'un lépreux, et elle a peur qu'il lui reste dans la main!!!"

 

Tout comme Dépressix, elle possédait également le gène de la connerie. Habitant à la pointe des côtes bretonnes, elle suivait à distance l'évolution de la situation, éclairant d'un oeil féminin et aguerri toutes questions qui traversaient le jeune homme.

Sans avoir eu le temps de rédiger une réponse, Dépressix reçut un nouveau message.

 

" Mais ça y est, t'as consommé, ou tu rames toujours pour tremper ta nouille? Elle a quel âge déjà, tu m'as dit?"

 

Il regarda par la fenêtre et soupira. Tant qu'à être franc et à lancer le processus de dégoût de lui-même, autant confesser ses odieux méfaits jusqu'au bout.

Il répondit à sa cousine, distillant rage et frustration sur le clavier de son téléphone. Plus les mots s'affichaient, plus la boule dans son ventre grandissait.

 

" Elle a 33 piges, et jouer à touche pipi signifie déjà aller trop loin. Et avant que tu ne demandes, non ce n'est pas par conviction religieuse!!! J'ai plusieurs fois frôlé la fracture de la queue, et je suis désormais lassé. Elle se crispe au troisième centimètre de quéquette, ce qui correspond à une dilatation de sa foufoune de trois millimètres!!! Désolé pour les détails, mais il faut que je me lâche... Je vais finir avec une phobie de l'os pelvien si ça continue. Bref, j'arrête de faire des efforts... Et pour réagir à ta remarque, qu'elle goûte ou qu'elle touche, je m'en contrefouts!!! Il serait juste temps qu'elle fasse autre chose que de me casser les couilles..."

 

Il fit une pause, soupira et, envoya sa missive.

Voilà pour l'aspect sexuel. Restait l'autre versant, la vie de tous les jours.

Alors qu'il entamait son analyse écrite, il reçut une réponse, enrobée de son franc parler traditionnel.

 

" Putain, mais tu la défonces et on en parle plus!!! Si t'as rentré le début, tu pousses d'un coup sec!!! C'est comme en voiture, si l'avant passe, l'arrière suivra... Et une fois que tu seras au fond, elle arrêtera de faire des chichis... Attends, sans déconner, tu l'as débusqué où, ta mère Theresa???"

 

Le raisonnement sonnait aussi juste qu'il manquait de classe. Clair, net, précis. Bien qu'un peu efficace au goût de Dépressix. Mais sur le coup, vraiment drôle et drôlement vrai.

Il répondit, un grand sourire aux lèvres.

 

"Ouais, mais je ne voudrais pas me retrouver en taule non plus. Je n'ai pas spécialement envie qu'un gros black me "rentre dedans à coup sec" pendant 10 ans parce qu'elle m'accusera de viol... Bref, le pire, c'est que je m'emmerde comme un rat mort avec elle. Tellement que je deviens une vraie saloperie. Je ne me contrôle plus. Exemple: la semaine dernière, quand elle m'a rejoint chez Elise et Glenn. Elle sortait de chez le coiffeur, et a débarqué avec "une coupe au bol" à gerber. Avec ses cheveux raides et blond très clair, c'était juste incroyable: elle a la même gueule que Dave!!! Putain, je n'ai pas pu me retenir, c'est le premier truc que je lui ai dit! Depuis, c'est devenu son surnom officiel, devant ses collègues et tout... Putain, dans certains couples, les petits mots doux sont "chéri" et "doudou"... Dans le mien, c'est "Dave"... Il faut que je la largue, c’est vitale..."

 

La réponse fusa sans tarder. Nette et sans appel.

 

" Ainsi soit-il... Tu sais ce qu'il te reste à faire..."

 

Il regarda dehors, jetant ses yeux sur un tapis noir où brillaient aussi peu d'étoiles que dans sa vie. La ville s'étendait entre immeubles et pavillons dressés dans la nuit, offrant des damiers lumineux à qui voudrait prendre le temps de se poser , d'observer et d'apprécier. Face à ce tableau de toute beauté, il laissa couler ses pensées.

Depuis combien de temps ne s'était pas accordé quelques minutes pour contempler l'extérieur, pour observer quelles construction avait poussé ou comment le paysage avait évolué? Depuis combien de temps perdait-il justement son temps, au boulot comme dans la vie, au lieu de le consacrer à vivre? Car à Paris, et plus encore dans sa banlieue, "prendre le temps" était devenu un luxe.

La capitale, majestueusement lumineuse, faisait rêver. Pourtant, quiconque donnait son avis démarrait systématiquement son propos par les aspects négatifs. Car Paris imposait ses propres règles. Si elle offrait des trésors culturels et des passages d'une rare beauté, elle fixait également sa contre-partie: ses prix, ses contraintes, sa pollution... Mais surtout, elle transmettait son stress, son "non-savoir vivre" et son propre rythme. Les gens n'ont d'autres choix que de s'enfuir ou de suivre, et donc de sprinter après un métro alors que le suivant arrivait trois minutes plus tard...

Tout se planifiait, s'organisait et se prévoyait. Le hasard et la spontanéité n'avait désormais plus leur place dans le quotidien, autant professionnellement que sentimentalement.

 

"- Putain, de nos jours, plus personne n'a le temps de rien. Il faut toujours obtenir le rendement maximum en un minimum d'investissement. Professionnellement comme humainement, c'est trop long de faire des rencontres, de faire passer des entretiens, de former des gens correctement... Bref, désormais, "chercher" représente une perte d'efficacité, et donc un manque à gagner. Une soirée sans "pécho" est une soirée de perdue, une nuit seule sous les draps est synonyme de la palme du looser. Mais en réalité, on en a rien à foutre!!! Rien à battre de la norme qui impose d'être deux, rien à branler du boom des sites de rencontres, des séries télé où tout le monde baise à tout va et du commerce des sentiments... La vie, en réalité, c'est ce qu'il y a devant toi: des immeubles clinquants, parfois aussi haut que les nuages, et remplis d'être humain qui s'escriment à la même tache: tromper la solitude. Sur tous le couples que tu croisent, voir même que tu connais, combien s'aiment vraiment? Combien partage et échange réellement avec leurs conjoints? Pour un seul vraiment soudé, combien fonctionne par intérêt, par habitude, par routine? C'est ça que tu veux? Etre avec une nana que tu ne supportes pas, avec qui tu ne partages rien, juste pour ne pas être seul?"

Dépressix laissait filer ses pensées, sachant parfaitement où elles le mèneraient. Il était grand temps de se poser les bonnes questions. Même si les réponses se révélaient douloureuses.

"-Sans déconner, pourquoi t'es avec Sandrine? Pour faire comme les autres et être en couple? Mais pas seulement, et tu le sais. Pour reprendre confiance en toi après l'autre salope, pour te prouver que tu peux être autre chose que le remplaçant d'un connard alcoolo qui lui foutait sur la gueule? Vas-y, continue, t'es sur le bon chemin. La vérité, c'est que c'est pour faire comme tout le monde, et te persuader que tu existes. Parce que te regarder en face et te donner les moyens de vivre ce que tu aimes, de faire ce que tu aimes et d’être qui tu es en faisant fi du regard des autres, et bien t'en as pas le cran. Alors t'essaies de créer des souvenirs, de créer des choses à raconter... Au moins avec l'autre salope, t'étais sincère, parce que tu voulais cette nana, tu la désirais. Sandrine, tu n'es avec elle que pour te détruire et lui faire porter le chapeau... Tu n'es qu'un connard, et tu le sais depuis le début..."

 

Il aperçut une lumière tournoyant au sommet d'une pointe en métal, une petite dizaine de kilomètres plus loin. De sa fenêtre, on apercevait le troisième étage de la tour Eiffel, dressée au milieu du ciel nocturne, qui bravait vaillamment années, saisons et flots de touristes. Chaque soir, fidèle à elle-même, elle scintillait de milles feux, honorant ses fonctions sans jamais faillir.

 

"- Normal, connard, c'est une tour en métal!!! Toi aussi, si t'étais en ferraille, tu remplirais ton rôle quoi qu'il arrive. Tu serais fidèle à tes convictions... Si t'étais fort comme l'acier, tu resterais toi-même!!! T'en aurais rien à foutre de la sauter, parce que tu sais très bien que même si t'y arrivais, tu te sentirais comme une merde le lendemain matin. Car tu ne ressens rien pour elle. T'aurais à peine jouit que tu t'impatienterais qu'elle dégage. Quoi qu'elle dise ou fasse, cela t'agacera. Tout simplement parce que ce n'est pas elle qui te faut, et surtout, ce n'est pas celle que tu VEUX... Tu t'es enfermé là-dedans pour redorer ton blason, mais en réalité, t'es en train de te perdre... Alors réagit avant qu'il ne soit trop tard..."

 

Un nouveau message arriva, mais Dépressix n'était pas pressé de consulter l'expéditeur. Il connaissait déjà le fond du message: Sandrine voulait le rejoindre chez lui.

 

"- L'occasion fait le larron!!! Alors, avant même que tu ne te réfugies derrière des excuses classiques comme "Non, ce n'est pas le bon moment", tu lui dis de venir, et tu agis comme un homme. Tu t'avoues une bonne fois pour toute que t'essaies juste de jouer les sauveurs pour oublier que la salope de portugaise t'as dézingué toute ton estime de toi-même, tu reconnais enfin que la vieille Sandrine, tu t'en contrefous et qu'au lieu de retrouver de la confiance en toi, elle te pousse à te vomir deux fois plus, et tu fais ce que t'as à faire: tu la lourdes... Tu te démerdes comme tu veux, mais tu n'as plus le choix. Ce sera un mal pour un bien, mais tu ne recules pas... Quand elle passera cette porte demain matin, il faut que tu sois célibataire..."

Il tapa sa réponse.

 

" Pas de soucis... A tout à l'heure... Prends ton temps... Bisous..."

 

Puis il relut, et sans savoir pourquoi, il ajouta:

 

" J'ai hâte de te voir..."

 

Il appuyait sur "envoyer" quand, en croisant son reflet dans la fenêtre, son esprit épousait les paroles que déversaient dans les enceintes stéréo. Etrangement, le chanteur de Zeromancer semblait s'adresser directement à lui, imprimant une vérité immuable au plus profond de ses tripes:

 

"You're not the one I used to know"

 

 

... A suivre: Saison 2, Acte 1, scène 14...

 

On va passer rapidement sur la partie névralgique d'usage. Si l'un ou l'une arrive à me dire pourquoi chaque mot qui tombe sur le clavier est systématiquement suivi d'un "Tu n'es qu'un gros connard qui fait de la merde", mon esprit lui en serait éternellement reconnaissant. Mon estomac également, parce que je commence à craindre qu'un ulcère arrive en même temps que les cheveux blancs.

Zeromancer... Kim Ljung, multi-instrumentiste et parolier hyper-sensible, associé à Alex Moklebust, grand sex-symbol au visage parfait et au charisme irrationnel. Les deux personnalités marquante d'un groupe d'industriel européen, plus précisément norvégien. Vous savez, ces pays où mélancolie, romantisme et nostalgie ne sont pas des "gros mots" avec des connotations péjoratives...

 

Face à cette bonne tour Eiffel, qui totalise encore et toujours 10 cm de haut depuis ma fenêtre, il est ici l’heure de reprendre cette conclusion, après une interruption de quelques heures. Car la suite que j’avais laissée couler, et que je viens d’effacer, virait de nouveau à la prétention violente de petit con qui n’assume pas.

Assumer quoi?

Certaines questions qu’un souffle de vent, un bruit dans le métro, ou une conversation à priori anodine, peuvent convoquer dans un esprit tordu.

Ainsi, et sans raison apparente, le principe de Lavoisier m’est curieusement revenu en tête quand je pensais à l’enchaînement avec la scène 14.

 

“Rien ne se perd, rien ne se créer, tout se transforme”.

 

La question est: vu la gueule de l’histoire qui l’inspire, quel récit espérais-tu vraiment tirer? Ou comment créer autre chose que de la merde à partir d’une merde?

Vous comprendrez alors l’agressivité froide et sauvage qui me tord les boyaux.

Ce qui m’amène vers un second point de réflexion.

Pour faire de la philosophie imagée de branlos, on peut voir une promotion professionnelle, un nouveau magazin, ou un simple truc cool à fêter, comme une forme de réussite. Et dans la vie, la réussite est une petite bande de terre dans un océan d’échecs. L’essentiel est, paraît-il, de continuer à nager. N’importe quelle personne qui a déjà foutu les pieds dans une piscine saura qu’à s’acharner à battre des bras, on finit irrémédiablement par boire la tasse. Alors, dans cette histoire d’île au milieu de l’océan, combien de pécheurs sur le sable pour combien de corps sans vie charrier par les flots vers le rivage?

Enfin, ça rejoint donc le premier petit paragraphe, celui où je pensais pouvoir faire fi de ce charmant côté pathétique et auto-flagellateur... Comme quoi: chassez le naturel, et il revient au galop...

Ce même naturel qui pousse d’ailleurs à vaguement continuer à tenir tête quand, régulièrement amené à parler musique, j’entends: les paroles d'une chanson, de nos jours, tout le monde s'en fout...

Je me plais à me persuader du contraire... Parce que sans ça, je ne m'explique toujours pas la manière dont ces quelques mots m'ont littéralement explosé à la gueule ce soir-là, emportant les dernières traces de fierté et d'estime personnelle qui pouvaient subsister.

Et toute la magie des mots apparaît encore des années plus tard: elle vous ramène à une époque, et en même temps s'imprime sur de nouveaux souvenirs et de nouvelles sensations... Alors ces mêmes mots d'accompagner la colère et la rage que vous pouvez traîner sur un trottoir, le nez braqué vers le ciel, à courir comme un dératé derrière ce que vous étiez et ce que vous auriez pu être. Encore plus quand vous hurlez à plein poumons, les yeux un peu humides, pour fuir ce que vous êtes devenu...

Mais après tout, il n'y a que quand ça fait mal que c'est bon...

Bien souvent, on a beau connaître la vérité, il faut se l’entendre conter par une tierce personne pour en saisir la pleine mesure et la portée. Alors quoi de plus beau quand un mec vous chante au creux de l'oreille que vous n'êtes définitivement plus rien... A part une sous-merde...

Zeromancer, avec "Gone to your head", sur l'album "Zzyzx".

 

It's in your mind but you can't say it

It's in your eyes but you can't see it

Its'on your wrist but you can't time it

It's off the top of your head but you can't wear it

 

It's in your face

it's in your hands

It's in the air

But you can't breath it

 

You're not the one I used to know

You're not the one I used to know

Gone to your head

 

It's up your nose but you can't snort it

It's down your throat but you can't suck it

It's in your lap but you can't have it

It's in your reach but you can't grab it

 

And what if I said

It's in your head

 

You're not the one I used to know

 

and what if I said

It's in your head

 

You're not the one I used to know

 

Gone to your head